La phénoménologie

Un phénomène est la manière dont une chose (sensation, émotion, pensée, image, objet, action...) se manifeste à la sensibilité d'un être vivant.

En philosophie, la phénoménologie est l’étude descriptive des phénomènes qui apparaissent à la conscience en dehors de toutes interprétations et sans référence à une réalité qui en serait sa manifestation. C’est une méthode qui permet l’étude et l’investigation de la conscience elle-même.

Le philosophe Husserl qui est le père de la phénoménologie moderne s'est interrogé sur la constitution du monde et sur la croyance naturelle et spontanée de percevoir celui-ci comme un monde donné en-soi, dans lequel nous existons comme objet de ce monde (des "étants").


La posture phénoménologique implique de:

  • S’intéresser au vécu du sujet plutôt qu’aux objets du monde extérieur:

Pour questionner cette croyance il propose d'appliquer la méthode de la " réduction " au phénomène. Cela consiste à mettre entre parenthèses ce que je sais des choses et de mes expériences pour revenir à l'expérience du vécu de la rencontre avec le phénomène, comme si je le vivais pour la première fois.

E. Husserl énonce : « tout ce que je sais du monde vient de moi, avant la connaissance ». Cela signifie que tout a été d’abord sensations avant d’être nommé, classé, jugé. C'est un retour à la connaissance des choses telles qu'elles sont en elles-mêmes, dans leur essence.

  • Tenter d’appréhender les phénomènes dans leur plus simple expression, sans jugement a priori (être neuf face à l’expérience vécue).

Mais il s'agit ne pas d'étiqueter à nouveau ces phénomènes qui apparaissent lors de la réduction à soi. Il propose d'appliquer l' "époché" cad de suspendre notre jugement pour accueillir les phénomènes sans a priori. Revenir à la sensation sans jugement, sans a priori, comme pour la première fois quand nous étions enfant pour réanimer la chaleur sensorielle originale, l'étonnement, l'eprouvé du merveilleux, retrouver de nouvelles capacités de contact, poser un autre regard sur soi et le monde.

Avec "l'époché ", il s’agit en fait de suspendre la croyance naturelle, partagée habituellement, dans le fait que le monde existe tel qu’il nous apparaît. Ce pas en arrière dans notre relation aux objets et à tout ce qui constitue notre quotidien vise à porter notre attention sur notre propre activité de constitution de ce monde. L’existence du monde est mise entre parenthèses, c’est l’activité de la conscience qui devient seul objet d’observation.

  • S'intéresser à ce qui se présente à la conscience

Ce que l'homme découvre lors de la réduction phénoménologique, c'est sa conscience comme conscience qui prête sens aux choses.

E. Husserl dit : « Toute conscience est conscience de quelque chose, quoi qu’il en soit de l’existence réelle de cet objet … ». La conscience est donc une conscience intentionnelle. Il y a une relation, un mouvement permanent et réciproque entre la conscience du sujet et le monde: la conscience perçoit le monde et le monde nourrit et construit la conscience.

Dans ce sens, notre perception du monde crée le monde...Ce que nous ne pouvons ressentir/concevoir/nommer, n'existe pas...

Habituellement, notre mode de pensée naturel distingue l'intériorité de la conscience de l'extériorité du monde. La connaissance du monde et l'objet monde sont réellement séparés l'un de l'autre. Or, dans l'attitude phénoménologique, le monde est un phénomène ...comme ma conscience..qui apparaît à ma conscience. Le monde et la conscience constituent un phénomène unique (la conscience du monde) et une même une unité intentionnelle : je me perçois comme percevant le monde (conscience reflexive). Regarder le monde avec un regard neuf c'est donc redécouvrir le monde comme unité de sens que je constitue moi-même en tant que conscience intentionnelle, ouverte sur le monde.

La phénoménologie existentielle

La phénoménologie en questionnant le monde et la conscience s'intéresse inévitablement aux hommes en tant qu'être qui, à la différence des pierres, se vit sous le mode de l'existence. L'existence est l'expérience de sa présence au monde. "Je existe", j'ai conscience que j'existe.

Le philosophe Martin Heidegger va développer une phénoménologie plus existentielle en s'interrogeant sur le sens de l'être. Il appelle l'être le "Dasein" ou "être-le-là", ou« en train d’être », action par laquelle le sujet conquiert sa propre présence, soit une ouverture au monde. Il va le caractériser par ses modes d'existence (à la première personne, habitée par la conscience de sa mort, toujours déjà projeté au monde, et dans le temps...).

L'influence de la phénoménologie existentielle apparait dans les questionnements et les éprouvés liés à la pratique sophrologique phénoménologique et existentielle, tels que : Mais en quoi consiste cette conscience de soi: une conscience corporelle ? Une conscience de ma présence ? conscience d'une seule unité corps-esprit? Une conscience incarnée dans mon corps ? Comment je me sens exister ? Est-ce à travers mon corps, le ressenti du vivant en moi que j'ai conscience d'exister ?. Puis-je ressentir mon essence, ce "là" vivant, ce "je suis" ?...

Le phénomène (ex: l'apparition de la sensation), c’est la rencontre de la vie en soi, c’est la manifestation de l’Être lui-même tel qui se manifeste.

Les théories de la sophrologie sont fondées sur les concepts de la phénoménologie.

La phénomenologie transparait

  • Dans la méthode sophrologique

Le sophrologue réflechit à son langage, à son intentionnalité ( pour guider la relax et pour les dialogues avant et après la relax) et à sa posture (bienveillance, sans jugement, présence à soi) pour:

adapter ses techniques à la situation de la personne

ne pas induire (neutralité) et favoriser le laisser être chez le sophronisant (le client): L’apparition des phénomènes et l’acheminement progressif vers sa propre parole intérieure qui peut s’extérioriser pendant les échanges.

Le sophronisant apprend à:

-mettre en parenthèses ce qu’il croit connaître de son corps pour s’inscrire dans l’expérience du phenomène

-à vivre une expérience d’accueil plutôt que de rester dans l’expérience du contrôle (le désir du pouvoir, expression de sa domination).

-à respecter les exigences d’une phenodescription (se remémorer les phénomènes apparus et les décrire sans juger)

Il va ainsi réaliser que le sens du monde part de lui, qu’il constitue le monde et comprendre, expérimenter le principe de la réalité objective.

Les deux adoptent une démarche commune d’accueil du phénomène : ce qui apparait à mon regard pendant l’expérience vécue ici et maintenant, comme si c’était la première fois.

  • Dans les prises de conscience :

*Le corps élevé à la dimension de l’être et à la conscience de l'unité

La sophrologie en proposant la réduction à soi-même, à ses sensations corporelles permet au sophronisant de s'interesser à l'expérience de l’immersion de son corps dans le monde, aux modalités de la rencontre, du contact entre soi et le monde. Le corps passe alors d’objet à sujet. Suite à l’appréhension intime et subjective de son corps, le sophronisant passe de "j’ai un corps" à "je suis mon corps" (incarnation). Cela lui révèle sa conscience corporelle et sa présence à lui-même, son être comme unité mental-corps. La sophrologie renforce donc le sentiment de cohérence, et d’unité de soi et donne les moyens de conscientiser les forces intégratives de l’être.

*L’émergence des valeurs essentielles pour soi

Quand le sophronisant s'ouvre à une nouvelle perception de soi, du monde et des autres, alors émerge la question de ses valeurs : sa liberté, sa créativité, son authenticité, sa responsabilité d’être. En effet, en sophrologie, les valeurs sont existentielles (propres à l’individu) et ontologiques (constitutives de l’être en tant qu’être). Ainsi chaque sophronisant évalue ce qui est positif cad structurant pour lui.


CF la conférence de Richard Esposito, directeur du CFSP- Youtube.